À l’issue de la 26e journée de Ligue 1, le Toulouse Football Club demeure empêtré à la 17e place. Une position assez enviable pour une équipe ne pouvant viser autre que le maintien. Après douze ans de tâtonnements, on n’a jamais été aussi proche de l’effondrement de la politique d’Olivier Sadran. Où l’on parlera moins du dernier PSG-TFC que des recrutements effectués depuis 2009.
Merci à la neige abondante d’Annecy. Elle permet, via le report de la rencontre Évian TG-Lorient, au TFC de rester provisoirement au-dessus de la ligne rouge. Mais ne nous y trompons pas, l’heure est grave. Le match livré par les Violets au Parc des Princes n’est pas une fin en soi, et en l’occurrence plutôt positif, c’est une stratégie d’ensemble qui arrive en bout de souffle.
Du marché national au marché aux trouvailles
Olivier Sadran développait les contraintes de management auxquels il doit faire face, dans une interview à France Football fin 2014 : « On est obligés de vendre un joueur majeur tous les dix-huit mois. Le transfert de Capoue a assuré deux années de sécurité au TFC et aux gens qui y travaillent. Abdennour, c’est quasiment deux années de sécurité aussi. » On ne peut que rejoindre le président toulousain sur le principe de réaliser d’importantes plus-values avec les joueurs révélés sous la tunique violette. L’exemple d’Abdennour est parlant : recruté pour un demi-million en Tunisie, il a été revendu vingt fois plus à Monaco. Proportion du même acabit pour Serge Aurier, cédé au Paris SG l’été dernier. Sadran est un négociateur hors-pair sur le marché des transferts, l’affaire est entendue et validée par nombre de ses interlocuteurs. En revanche, on peut difficilement le suivre lorsqu’il avance qu’il « réinvestit beaucoup en recrutant, même si personne ne le souligne ».
En matière d’achats, on peut clairement distinguer deux phases depuis le retour du club en Ligue 1. De 2003 à 2009, son ossature s’appuyait sur des joueurs confirmés du championnat de France ou révélé sous d’autres cieux. Les trouvailles de type Johan Elmander étaient des exceptions heureuses. Or, des joueurs comme l’attaquant Suédois on n’en pêche pas tous les quatre matins !
Sans doute refroidi par la malheureuse expérience européenne de 2007-2008 (rêves de Ligue des Champions envolés pour cause de duel avec Liverpool au tour préliminaire), les dirigeants du TFC n’ont pas embrayé suite à la 4e place obtenue en 2009. Pour conserver André-Pierre Gignac une saison de plus, il a fallu laisser partir deux éléments majeurs (Cédric Carrasso et Jérémy Mathieu) en les remplaçant à minima. Au fil des saisons, ce modèle vertueux a viré à la stagnation. Il est aujourd’hui sur le point de se scléroser.
Fin de classement de Ligue 1 après 26 journées
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Avant de se pencher en détail sur les recrutements effectués ces six dernières saisons, voici des exemples frappants d’intersaisons toulousaines de la première partie de l’ère Sadran.
Été 2004, pour sa 2e année en L1, le TFC se sépare de joueurs emblématiques de ses années en divisions inférieures pour signer des valeurs sûres : Dominique Arribagé en provenance de Rennes, Daniel Moreira de Lens, Pantxi Sirieix d’Auxerre, Nicolas Douchez de Châteauroux ou encore David Suarez d’Amiens. Plus gros coup encore, l’obtention du prêt de Stéphane Dalmat par l’Inter Milan. Certes, l’addition de noms clinquants ne garantit pas les résultats, mais est plus prompte à attirer un nouveau public vers son équipe de foot. Car selon le président le mal se situe là et seulement là. Suffirait-il que le Stadium soit plein pour que l’ambition renaisse ? Ce qu’il pose comme un préalable ne serait-il pas une conséquence ? Les résultats attirent la foule, rarement l’inverse. À défaut de posséder une histoire aussi riche que Saint-Étienne ou Bordeaux, Toulouse n’est pas structurellement inférieur pour viser un accessit régulier à l’Europa League.
Le fruit d’un investissement sans précédent avait abouti à la 4e place de 2009 : signature définitive de Mauro Cetto acquise pour 1,5 million d’euros, arrivées de Cédric Carrasso, Étienne Didot, Soren Larsen et Daniel Braaten pour un total estimé à 13 millions d’euros ; les ventes de figures essentielles comme Johan Elmander et Achille Emana avaient été habilement compensées.
Quel joueur actuel peut prétendre avoir remplacé Moussa Sissoko, Daniel Capoue ou Serge Aurier ?
Les limites du recrutement low cost
Depuis la saison 2009-2010, le CV des recrues est de moins en moins significatif, leur acclimatation de plus en plus poussive. Même les bons coups restent sans lendemain, à l’image des prêts accordés par le Paris SG en 2012 et 2013.
Pour les supporteurs téfécistes, il est bien dur de voir un Clément Chantôme atterrir à Bordeaux lors de cet hiver 2015. Soit un joueur ayant confirmé son énorme potentiel sous la tunique violette l’an dernier. Parait-il que le PSG refusait de le prêter une deuxième saison consécutive. Il n’avait rien en revanche contre l’idée de le vendre. Trop ambitieux pour le TFC ? Ou refus du joueur, convaincu de stagner dans un étang trop petit pour lui ?
Cet affaiblissement généralisé peut facilement être synthétisé (cf tableau ci-dessous). Au fil des années, les clubs de provenance sont de plus en plus confidentiels.
Principaux transferts été et hiver de 2009 à 2015
Entre parenthèses le club de provenance ou de destination, ainsi que la valeur de la transaction quand elle fut officialisée, sinon la mention libre (joueur en fin de contrat) ou NC (valeur du transfert non communiquée).
Arrivées |
Départs |
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Saison 2009-2010 14e de Ligue 1 47 points 36 buts pour 36 buts contre CF : 1/16e de finaliste CL : ½ finaliste Ligue Europa : 1er tour (3e du groupe J) |
Antoine Devaux (Boulogne S/Mer) – libre Luan (Sao Caetano) – 2,5 M Paulo Machado (Porto) – NC Yohann Pelé (Le Mans) – libre Danny Nounkeu (Pau) – libre |
Jérémy Mathieu (Valence) – libre Hérita Ilunga (West Ham) – 3,5 M Cédric Carrasso (Bordeaux) – 7 M B. Bergougnoux (Lecce) – libre A. Bonnet (Le Havre) – NC |
Saison 2010-2011 8e de Ligue 1 50 points 38 buts pour 36 buts contre CF : 1/32e de finaliste CL : 1/16e de finaliste |
Adrian Gunino (Danubio) – prêt Yannis Tafer (Lyon) – prêt F. Santander (Guarani) – prêt W. Ben Yedder (Alfortville) – NC |
A-P. Gignac (Marseille) – 20 M Luan (Palmeiras) – prêt avec option d’achat Albin Ebondo (St Étienne) – libre Mathieu Berson – libre |
Saison 2011-2012 8e de Ligue 1 56 points 37 buts pour 34 buts contre CF : 1/32e de finaliste CL : 1/16e de finaliste |
A. Abdennour (ES Sahel) – 0,5 M P. Ninkov (ER Belgrade) – 1 M Umut Bulut (Trabzonspor) – 3,8 M E. Rivière (St Etienne) – 6,5 M Serge Aurier (Lens) – 1,5 M |
Luan (Palmeiras) – 3 M Xavier Pentecôte (Nice) – 1,2 M Mauro Cetto (Palerme) – libre Fodé Mansaré – libre |
Saison 2012-2013 10e de Ligue 1 51 points 49 buts pour 47 buts contre CF : 1/16e de finaliste CL : 1/8 de finaliste |
Jonathan Zebina (Brest) – libre Eden Ben Basat (Brest) – NC Yannick Djalo (Benfica) – prêt Adrien Rabiot (Paris SG) – prêt Adil Hermach (Al-Hilal) – prêt |
D. Congré (Montpellier) – 5 M P. Machado (Olympiakos) – 2,7 M M. Sissoko (Newcastle) – 2,5 M E. Rivière (Monaco) – 4 M Antoine Devaux (Reims) – libre |
Saison 2013-2014 9e de Ligue 1 49 points 46 buts pour 53 buts contre CF : 1/16e de finaliste CL : 1/8 de finaliste |
Oscar Trejo (Gijon) – 2 M Uros Spajic (ER Belgrade) – 1,5 M M. Braithwaite (Esbjerg) – 2 M Abel Aguilar (Alicante) – 2 M F. Moubandjé (Servette) – 1 M Clément Chantôme (PSG) – prêt D. Furman (L.Varsovie) – 2,7 M Z. Boucher (Le Havre) – 1,5 M D.Veskovac (YB Berne) – NC |
Umut Bulut (Galatasaray) – 2,7 M F. Tabanou (St Étienne) – 5 M E. Capoue (Tottenham) – 14 M Cheick M’Bengue (Rennes) – 2 M D. Braaten (Copenhague) – libre A.Abdennour (Monaco) – prêt avec achat auto 10 M |
Saison 2014-2015 17e de Ligue 1 (26 journées) 28 points 27 buts pour 40 buts contre CF : 1/32e de finaliste CL : 1/16e de finaliste |
D. Grigore (D.Bucarest) – NC A. Pesic (FK Jagodina) – NC W.Matheus (Palmeiras) – NC Doumbia (Wolverhampton) – NC M. Spano (ES Pennoise) – libre M. Tisserand (Monaco) – prêt |
E. Ben Basat (M. Tel-Aviv) – NC Serge Aurier (Paris SG) – 15 M Clément Chantôme (PSG) – retour de prêt Jonathan Zebina – libre |
Le tournant de 2009-2010 est pour le moins flagrant. Dans la balance des départs cinq joueurs confirmés de L1, dans celles des arrivées le peu mémorable Luan et le encore tendre Danny Nounkeu. Le manque de chance intervient aussi via le prometteur Yohann Pelé dans les cages, rongé par une série de blessures. Après avoir pu s’appuyer sur plusieurs piliers (Revault, Douchez, Carrasso), le TFC entame sa traversée du désert en termes de dernier rempart.
L’intersaison 2010 est marqué par la belle vente d’A-P Gignac, environ 20 millions versés par l’OM, en dépit d’une 3e saison toulousaine bien en deçà de la précédente pour l’attaquant violet. Pourtant, aucun remplaçant de notoriété à son poste, ni de marché ambitieux (essentiellement des prêts). Le jeune Ben Yedder débarque d’Alfortville, mais ne s’imagine sans doute pas qu’il sera le premier buteur à éclore de manière significative deux ans plus tard.
2011 peut-être perçu a posteriori comme la dernière tentative de revenir au premier plan. Aux départs de joueurs secondaires ou en fin de cycle répondent les arrivées de jeunes pousses à fort potentiel. Parmi eux, Emmanuel Rivière constitue une rare moins-value financière du club. Payé plus de 6 millions à Saint-Étienne, il sera revendu à perte à Monaco sans avoir donné satisfaction.
Raison pour fuir le marché français ? Depuis, les recrutements issus de clubs de l’élite sont les exceptions, souvent matérialisés par des prêts (Rabiot, Chantôme, Tisserand). Au lieu de défricher sur des marchés B tels la Ligue 2 ou les championnats belges, néerlandais, turques, le TFC flirte avec la Suisse, la Roumanie et la Pologne. Comment s’étonner alors que le niveau de son équipe s’apparente à celui des clubs dont ses joueurs proviennent ? En substituant A par B, on chute de la 4e à la 10e place, en le remplaçant par C, on frôle la zone rouge, qu’advient-il si on choisit de lui préférer D ?
« On déplace des montagnes tous les jours, et vous ne vous en rendez pas compte » dénonçait le président Sadran dans cette même interview à FF. On ne lui en demande pas tant. S’il pouvait s’astreindre à maintenir l’édifice en place dans un premier temps…

Vision festive du Stadium tel qu’on l’attend pour l’Euro 2016. Le club y résidant donnera-t-il aussi le sourire ?